« Dans un contexte où la pandémie de la COVID-19 confronte le Québec à la plus importante crise économique de son histoire, son incapacité à redresser sa productivité et par conséquent, à générer de la richesse, a de quoi préoccuper, déclare Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers (CPP). Déjà aux prises avec un problème structurel qui accentue année après année son retard sur les principales économies occidentales, la province doit désormais composer avec les contrecoups d’un choc conjoncturel d’une ampleur inégalée. Voilà la prémisse sur laquelle s’appuie la onzième édition de Productivité et prospérité au Québec-Bilan dévoilée aujourd’hui par le CPP.

Un choc historique

D’entrée de jeu, le bilan annuel du CPP nous apprend qu’au cours des deux premiers trimestres de 2020, le PIB du Québec a chuté de 15,5 % en raison de la mise en veille de l’économie de la province. Des 20 pays industrialisés avec qui le Québec est comparé, seuls l’Espagne, l’Italie et la France, ont encaissé une baisse plus importante au cours de cette période.

« Bien que le Québec ait été particulièrement affecté par la pandémie, son impact sur les finances publiques sera en grande partie atténué par la gestion responsable que son gouvernement a su effectuer sur le solde budgétaire au cours des cinq dernières années, estime Jonathan Deslauriers, directeur exécutif et coauteur de l’étude. En revanche, la pandémie risque de laisser une marque permanente sur les finances du pays ». Selon les plus récentes prévisions, les déficits cumulés par l’ensemble des administrations publiques canadiennes pour l’année 2020-2021 devraient avoisiner 20 % du PIB du pays, ce qui positionnerait le Canada en tête des pays s’étant le plus endettés pour traverser cette crise.

Sans grande surprise, le gouvernement du Canada est grandement responsable de la situation. Selon la dernière mise à jour économique, ses dépenses de programmes devraient s’accroître de 71 % au cours de l’année financière en cours, et se chiffrer à environ 15 900 $ par habitant. En conséquence, le fédéral déclarera le plus important déficit budgétaire de son histoire contemporaine, soit 382 G$. Additionnés aux déficits cumulés en amont de la crise pour financer la croissance économique à court terme, ce sont donc 476 G$ qui seront venus gonfler la dette de consommation du gouvernement fédéral depuis 2015, soit une hausse globale de 76 %. « Si les conditions d’emprunt viennent à se resserrer, la relance risque d’être longue, sinon douloureuse pour les générations à venir. », soutient Jonathan Deslauriers.

Quelques recommandations

Même si le gouvernement du Québec est parvenu à colmater la brèche grâce à la marge de manœuvre dégagée au cours des dernières années, il n’est pas pour autant à l’abri des défis. « Loin de là, soutient Robert Gagné. Ces efforts ont certes permis à la province de redresser ses finances publiques sur papier mais en pratique, le déficit d’entretien des infrastructures de la province menace toujours l’équité intergénérationnelle. Le gouvernement devra donc jouer de prudence, sans quoi ses interventions pour relancer l’économie risquent de compromettre le fragile équilibre entre refiler la facture aux générations futures en enchaînant les déficits, et négliger à nouveau les infrastructures de la province. »

Pour se donner davantage de flexibilité, les auteurs suggèrent de liquider le Fonds des générations. Ce faisant, le gouvernement réduirait l’empreinte des deux prochains déficits sur la dette, et libérerait du même coup des revenus pour soutenir la réfection des infrastructures de la province.

Pour stimuler la reprise, le gouvernement du Québec devrait prioriser les interventions orientées vers les trois piliers de la productivité : l’éducation, l’innovation et l’investissement, plutôt que de réagir à la crise par des mesures passives qui soutiennent tous les secteurs d’activité et tous les emplois, sans égard à leur viabilité ou à leur potentiel de croissance. L’État québécois parviendrait ainsi à soutenir une relance durable, tout en s’attaquant de front au problème structurel qui entrave la croissance économique du Québec depuis déjà trop longtemps. « Le ton a été donné par la récente mise à jour économique du Québec, reste maintenant à voir si le gouvernement parviendra à maintenir le cap », conclut Robert Gagné


Pour en savoir davantage : Deslauriers, Jonathan, Robert Gagné et Jonathan Paré, Productivité et prospérité au Québec – Bilan 2020, Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) – Fondation Walter J. Somers, HEC Montréal, Décembre 2020