Faire le point sur la rémunération et les effectifs dans les municipalités du Québec afin de fournir une information objective et accessible aux citoyens, et leur permettre ainsi d’évaluer dans quelle mesure la rémunération constitue un enjeu dans leur municipalité, voilà le principal objectif poursuivi par une étude dévoilée aujourd’hui par le Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers (CPP). « Cet exercice nous apparaissait d’autant plus important au moment où la pandémie de la COVID-19 exerce une pression considérable sur les dépenses publiques et qu’une étude réalisée en 2016 – le Palmarès des municipalités du Québec – nous avait déjà appris que plus de la moitié de la croissance des dépenses municipales entre 2010 et 2014 était directement imputable aux dépenses de rémunération. », déclare Robert Gagné, directeur du CPP et coauteur de l’étude.

Pour évaluer la situation actuelle, les chercheurs ont donc développé une série d’indicateurs sur la rémunération et la taille de l’effectif des municipalités de 25 000 habitants et plus en s’appuyant sur l’expertise antérieurement acquise. Tous les indicateurs ont été calculés sur la base d’informations inscrites dans les rapports financiers que les municipalités doivent transmettre au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH).

Principaux résultats

Tout d’abord, l’analyse du CPP révèle que la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal semble avoir produit les résultats escomptés. Depuis son adoption en 2014, la croissance annuelle moyenne de la rémunération a fléchi. Un phénomène dû principalement au frein imposé aux dépenses en charges sociales et davantage marqué dans les municipalités de 100 000 habitants et plus.

Autre constat : l’enjeu de rémunération s’avère particulièrement préoccupant dans les plus grandes villes du Québec. À titre d’exemple, un employé d’une municipalité de 100 000 habitants et plus gagnait en moyenne 104 533 $ par année en 2019, soit presque 20 000 $ de plus que dans les municipalités de 50 000 à 100 000 habitants. Ainsi, en plus d’offrir des salaires et avantages sociaux plus généreux que les municipalités de plus petite taille, les plus grandes villes du Québec comptent, toutes proportions gardées, un plus grand nombre de salariés. Résultat : le poids budgétaire de leur rémunération s’en trouve plus élevé.

« Mais la disparité ne s’arrête pas là, ce sont les cadres et les contremaîtres qui s’accaparent la part du lion en matière de rémunération, affirme Jonathan Deslauriers, directeur exécutif du CPP et coauteur de l’étude. Dans les municipalités de 100 000 habitants et plus, leur salaire horaire moyen est pratiquement deux fois plus élevé que celui d’un col blanc ou d’un col bleu ». Et même si ces derniers supervisent un plus grand nombre d’employés, ils détiennent un avantage salarial marqué sur leurs homologues des municipalités de plus petite taille. Cet écart s’élèverait à 24 % lorsqu’on compare leur salaire moyen à celui des cadres et contremaîtres des municipalités de 25 000 à 49 999 habitants et à 16 % avec ceux des municipalités de 50 000 à 99 999 habitants.

Enfin, l’étude révèle que les économies d’échelle atteindraient leurs limites dans les municipalités de 50 000 à 99 999 habitants. Alors que le nombre d’employés nécessaires pour desservir 1 000 habitants tend à décroître à mesure que la taille des municipalités augmente, cette tendance s’inverserait une fois le seuil des 100 000 habitants franchi.

Quelques recommandations

« Ces constats nous aident à mieux comprendre ce qui a poussé certaines municipalités à plaider en faveur de l’adoption d’une loi en 2014, soutient Robert Gagné. N’ayant pu gérer la croissance de la rémunération pendant des années, et en s’étant trop longtemps rabattues sur leurs contribuables pour financer les augmentations plutôt que d’être proactives dans leurs négociations, plusieurs administrations se sont retrouvées devant une impasse budgétaire lorsque les fonds de retraite de leurs employés ont été affectés par la crise financière de 2008. Il aura donc fallu que le gouvernement intervienne pour baliser les négociations, et ainsi freiner la croissance de la rémunération. »

Or, face à la COVID-19, ce sont ces mêmes municipalités qui ont récemment demandé au gouvernement de modifier la Loi de manière à ce qu’elles puissent présenter des budgets déficitaires. Mais comme le gouvernement n’a pas cédé, certaines d’entre elles envisagent déjà de sabrer dans les services à la population, ou alors de relever les niveaux de taxation. « Dans un contexte où c’est précisément cette stratégie qui a fait de la rémunération un enjeu pour le secteur municipal, il serait donc avisé de profiter de la situation actuelle pour réaligner les priorités budgétaires des municipalités, et ainsi éviter que les citoyens soient à nouveau sollicités pour financer l’inaction de leur administration locale », conclut Robert Gagné.


Pour en savoir davantage : Deslauriers, Jonathan, Robert Gagné et Jonathan Paré, Le point sur la rémunération et les effectifs dans les municipalités du Québec, Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) – Fondation Walter J. Somers, HEC Montréal, Octobre 2020